Des agents à 1607 heures par an au moins. Caroline Colonval, DGS de Beaugency, est intervenue en atelier sur l’application des 1607 heures/an à tous agents. Décrivant un « défi », elle prolonge pour DG Interface son témoignage.
« Objectif 1607 ! Dans une société où le rapport au travail change, où de nouvelles générations arrivent avec une perception différente de l’activité professionnelle ; au moment où les thématiques de la qualité de vie au travail sont dans tous les esprits, la question de l’organisation du temps de travail est loin d’être anodine. Au-delà des arguments de mise aux normes réglementaires, de bonne gestion des deniers publics, nous trouvons là un chantier qui peut devenir une composante d’un projet d’administration et dont il peut être judicieux de faire un projet à part entière. Comme nous le verrons, l’application des 1607 heures ne pose plus question dans nombre de collectivités ; ce document se veut un support pour ceux qui, au-delà de la mise en œuvre du temps de travail annuel, se posent la question de son organisation. (...) Voici une dizaine de BONNES PRATIQUES - POINTS DE VIGILANCE ou METHODOLOGIE :
1 - Identifier le bon moment
Il n’a pas fallu attendre le projet de loi actuelle pour investiguer ce chantier du temps de travail ; il est important, quand c’est possible, d’exploiter toute opportunité qui se présente (contexte de mutualisation, de contrôle de CRC ou justement modification du contexte réglementaire, changement de SIRH).
2 - S’assurer du portage du projet
Même s’il y a un chef de projet, ce type de démarche doit répondre à une commande politique, bénéficier du portage de l’Exécutif, de la Direction Générale et de la DRH. Le ou les objectifs devront être précisés afin d’adopter la méthodologie ad hoc, ils peuvent être pluriels : respect de la réglementation, maîtrise de la masse salariale, adaptation aux usages et usagers ; amélioration de la qualité de vie au travail en promouvant notamment une plus grande équité entre agents.
- Inscrire le projet dans l’agenda social
Porter une attention toute particulière au dialogue social - les représentants du personnel doivent être des acteurs à part entière du chantier et pas le subir, des points d’étape réguliers en CT ou dans tout autre cadre peuvent être nécessaires.
A noter d’ailleurs que la loi de transformation de la FP, dans son article 3 relatif aux nouveaux CST (Comité Social Territorial), accroit le champ de compétence de cette instance. Les collectivités qui ont réussi leurs négociations ont associé les organisations syndicales (et pas que les représentants du personnel) dès le départ ; elles ont travaillé sur la base de propositions et non de projets aboutis ; certaines ont créé des groupes avec une composition plus large que les seules instances paritaires ou organisations syndicales.
Il faudra identifier rapidement les marges de négociation, avoir une logique si possible de gagnant/gagnant (la valorisation financière peut être envisagée mais aussi une amélioration des avantages sociaux). Inscrire la démarche dans le projet social, c’est aussi se demander quelle est le niveau d’acceptabilité par les agents et organisations syndicales, c’est définir la stratégie qui sera retenue : la mise en œuvre des 1607 heures sera-t-elle une thématique parmi d’autres, toutes les thématiques d’organisation du travail seront-elles abordées en même temps ou séparément, de manière globale ou non ? Les réponses dépendront de chaque collectivité, de chaque exécutif ; toutes ont des avantages (affichage politique, activation de plusieurs leviers de QVT) mais aussi des risques (enlisement des négociations en cas de pluralité de sujets ; conflit social ; démotivation).
- Faire un état des lieux complet du temps de travail, des pratiques de la collectivité et des questions connexes
A ce stade, un benchmark avec d’autres collectivités de même taille, peut-être du même secteur, donnera à la fois des éléments d’analyse mais aussi d’argumentation. Ce diagnostic pourra être réalisé en interne ou confié à un tiers, dans les deux cas ce travail devra permettre à terme de connaître précisément les organisations du temps de travail, les éventuels dysfonctionnements et toutes les pratiques. Ce temps de diagnostic est un temps long qui ne doit pas être négligé puisqu’il est le début de l’appropriation de la démarche et conditionnera sa pertinence.
- Définir un calendrier
Ce sera un point de vigilance tout particulier, celui-ci ne doit pas être trop court au risque de négliger le dialogue social et les temps de concertation et d’appropriation nécessaires ; un calendrier trop long sera tout autant néfaste car aura bien souvent un effet délétère. Il semble essentiel de fixer une date butoir pour l’application de la nouvelle organisation du temps de travail
- Impliquer la ligne managériale
Ce qui est vrai pour tous les chantiers l’est également pour le temps de travail. Les cadres de proximité sont en première ligne, ils sont un premier relais d’information aussi doivent-ils la maîtriser et en mesurer les enjeux. Associer ces cadres dès le départ, leur donner le sens, partager les objectifs et les accompagner dans l’adoption de la posture managériale appropriée est essentiel à la réussite du projet.
- Soigner sa communication interne
Informer, faire des points d’étape lors de réunions de services par exemple, dans un journal interne voire une lettre d’information, prévoir que chaque agent ait un exemplaire du protocole du temps de travail ou du règlement intérieur
- Adopter une délibération et un règlement intérieur
L’assemblée délibérante devra donc adopter une délibération relative au temps de travail, ou plus largement pour doter la collectivité d’un règlement intérieur. Cette délibération devra obligatoirement comprendre les éléments suivants : la durée du temps de travail, les postes qui bénéficient d’une dérogation et ses modalités, les cycles de travail par service (annualisation, hebdomadaire, horaires variables) et éventuellement les ARTT en découlant, la durée des pauses méridiennes. Pour mémoire, la collectivité devra aussi adopter une délibération relative aux heures supplémentaires et récupérations.
- Evaluer la mise en oeuvre
Des collectivités ont prévu un comité d’évaluation permettant de faire un bilan de mise en œuvre, de procéder à des ajustements. Quant à l’évaluation des gains de l’application des 1607 heures, elle est difficile à faire de manière arithmétique. Si les CRC s’emploient à effectuer des traductions en équivalent ETP, cela est assez limité au regard des objectifs initiaux en matière de qualité de vie au travail par exemple. Qui plus est, une collectivité qui aurait gagné des ETP en accordant des revalorisations financières conséquentes ne pourrait se targuer d’un gain économique. En la matière, on pourrait préconiser de privilégier des indicateurs qualitatifs plutôt que quantitatifs, de s’appuyer sur un baromètre social pour alimenter les réflexions.
En conclusion, quelque soit le contexte, il semble essentiel de garder à l’esprit que c’est un changement important et qu’en tant que tel, il faut lui donner du sens... l’organisation du temps de travail est un défi RH à part entière ! »