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Halte au fonctionnaire bashing !

Le «fonctionnaire bashing» : idée reçue (trop) simpliste ou raccourci électoraliste ? Diminuer le nombre de fonctionnaires paraît être une idée simple et plaisante pour certains. Elle l’est beaucoup moins lorsque nous rentrons dans le détail. Plusieurs questions s’imposent en effet.
 

Tout d’abord, quels sont les premiers postes à supprimer ? Les infirmiers ? Les pompiers ? Le personnel des crèches et des écoles ? Les juges, les policiers ou les militaires ? Les éboueurs ? … La réponse est d’autant plus délicate si on la met en perspective avec les réactions de nos concitoyens dès qu'une classe, une maternité ou un bureau de poste ferment. 

Deuxième question : comment supprimer des postes dès lors que des normes imposent une présence de personnels qualifiés dans de nombreux métiers ? Sans parler évidemment des structures hospitalières très normées, c'est aussi le cas des structures de petite enfance, des écoles maternelles, des centres de loisirs, des activités périscolaires, de la surveillance des plages ou encore des centres nautiques. Allons-nous supprimer ces postes au risque de nous mettre en infraction avec la loi ? Enfin, que deviendraient les personnes en difficulté sans structures locales pour les recruter ? Elles seraient à la charge de la société car aucune structure privée, hormis quelques rares CAT, ne les accueilleraient. Aujourd'hui, ces personnes ont un salaire, un travail, bien souvent un accompagnement personnalisé par leur hiérarchie et donc un statut social digne. Faut-il les remettre au ban de la société au motif qu’il faut réduire des postes de fonctionnaires ?
 
Rappelons quelques chiffres. La France compte aujourd’hui 28,5 millions de personnes actives, dont 3,8 sans aucun emploi. Cette population active a augmenté de 1,8 millions en dix ans, soit 0,6 % par an en moyenne. Les fonctionnaires représentent 20 % (5,6 millions) de la population active. Cette dernière décennie, la croissance moyenne de ce nombre a été de 0,7 % par an, faisant passer sa part dans la population active de 19,3 % à 20 %. Notons que la hausse a été de 1,3 % jusqu'en 2007, puis de 0,03 % par an, depuis. Il n'y a donc pas d'évolution notable sur les 10 dernières années.
 

La France est un pays qui cultive le statut. Alors que 80 % des salariés en possèdent un, les 20 % restants ne rêvent que d'une chose, c'est d'y parvenir. De nombreux salariés bénéficient de conventions collectives avec neuf ou onze semaines de congés payés, d'autres avec treize voire quatorze mois de salaire. Un licenciement est-il forcément plus simple dans certaines structures privées ? Certaines conventions collectives sont tout aussi protectrices que le statut de la Fonction Publique : qui ne connaît pas quelqu'un qui a pu négocier une rupture conventionnelle lucrative ? La France est un pays qui rêve d'égalité, mais chacun regarde ailleurs.

 
Et, il est faux de dire que le statut est rigide : aujourd'hui, tout est possible : rémunérations à la performance, définition de parcours professionnels, plans de formation, sanctions disciplinaires, licenciement. Le statut n'est un carcan que pour ceux qui n'ont pas le courage de l'utiliser.
 
Dans ce débat, deux évidences s'imposent. D'une part, dans une société de l'instantanéité, il est plus facile de lancer des idées simples, voire simplistes, que de prendre le temps d'approfondir les sujets et de débattre du fond. D'autre part, il est devenu habituel de «monter» les gens les uns contre les autres et de créer des controverses plutôt que de regarder les choses avec sérieux et prendre les problèmes les uns après les autres.
 

La Fonction Publique que nous connaissons aujourd'hui est issue des orientations du Conseil National de la Résistance et nous avons tout lieu d'en être fiers. Les évolutions qu'elle a connues par la suite sont le fruit de décisions politiques dont les fonctionnaires ne peuvent être tenus pour responsables. La seule question valable à se poser n'est donc pas combien de fonctionnaires, mais quels services publics nous voulons. Il s’agit d’un choix politique, et comme à l'accoutumée, les fonctionnaires sauront s'adapter. 

Stéphane PINTRE
Président National du SNDGCT